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La naissance de Danone

En 1929, Danone fait son apparition en France sous le nom de Société Parisienne des Yoghourt Danone. Ce groupe est aujourd’hui le numéro 1 du secteur des produits laitiers frais.

Le Groupe Danone a bâti toute sa stratégie de marques ‘frais’ sur la santé en se positionnant en alicament. Un positionnement logique dans l’ADN de la marque, Isaac Carasso, son fondateur originaire de Salonique et installé à Barcelone. Il proposa un nouveau remède appelé yaourt, à base de lait fermenté. Isaac Carasso s’est inspiré de pratiques très populaires dans les Balkans où les yaourts, constitués de lait fermenté, servaient à soigner les enfants souffrant de troubles intestinaux et digestifs.

Il importa des cultures de Bulgarie et mit en place ses propres cultures isolées à Paris à l’Institut Pasteur. Les yaourts européens ont été ainsi vendus dans un premier temps dans les pharmacies.

Son fils Daniel Carasso, qui avait entre-temps créé et développé la filiale française, reprit l’entreprise familiale espagnole. Parti aux Etats-Unis en 1941 pour fuir le régime nazi, il y fonde une société de yaourts appelée Dannon.

La société sera par la suite rachetée par Antoine Riboud en 1974.

Carasso et Riboud - Fondateurs Danone

Daniel Carasso (à 103 ans) et Franck Riboud en 2009 pour les 90 ans de Danone

La cosmetofood : le virage raté de Danone

L’un des produits phares du Groupe est le yaourt Activia, anciennement nommé « Bio ». Danone fût contraint par la législation européenne en 2006 de changer le nom de son produit « Bio » (créé en 1987), celui-ci n’étant pas un produit issu de l’agriculture biologique.

Depuis le 1er juillet 2007, le règlement CE 1924/2006 (appliqué en 2011) régit les allégations nutritionnelles et de santé figurant sur les produits alimentaires en codifiant les règles d’utilisation des messages.

Depuis 2007, Danone cherche donc un nouveau positionnement sensé remplacer la notion d’alicament soutenue principalement sur les deux blockbusters du Groupe : Activia et Actimel mais aussi sur des marques comme Danacol.

La première approche a été sur la beauté. Danone a lancé une gamme de « cosmetofood » en essayant d’implanter en France la mode américaine du « dermofood ».

Publicité Essensis Danone

Essensis a donc été lancé en 2007 autour d’une promesse de marque très cosmétique : « nourrir la peau de l’intérieur ». En clair, en mangeant des yaourts Essensis, vous hydratez votre peau. Echec total. Si les français avaient adhéré à la théorie du yaourt santé, le yaourt beauté a fait un vrai flop. Et ce malgré de très importants budgets publicitaires.

En 2017, retour aux sources pour Danone

Depuis, Danone se cherche. Emmanuel Faber a été propulsé PDG du Groupe fin 2017. Il n’a pas perdu de temps pour imposer sa stratégie : bio, bon, végétal et probiotique. Son discours dans l’air du temps parle de « nature », de consommateurs soucieux d’environnement, de bien-être, de bio ou de traçabilité.

Depuis la rentrée 2017, c’est la révolution dans les produits frais de Danone. Le groupe a entièrement refondu son offre de produits frais pour donner naissance à « la marque Danone ». 

La marque fédère 4 gammes et 20 références de yaourts et fromages blancs. Le tout rassemblé autour de l’accroche « Redécouvrons le bon ». Un retour aux sources en somme autour du produit à la base du Groupe : le Yaourt Nature 1919. Tout un symbole !

Gamme Danone nature

La stratégie du bon est à la fois en lien mémoriel avec la santé et permet un discours de continuité.

Pour l’instant, tout va bien. Une stratégie cohérente et un positionnement malin.

Positionnement flou pour la nouvelle gamme ethnique : « Les Danone du Monde »

Mais quelle surprise lorsque j’ai découvert, dans le blog La Réclame, l’interview d’Anne Thevenet-Abitbol lors du lancement de la gamme ethnique « Les Danone du Monde » (gamme d’ailleurs maline, bien conçue et bien packagée) :

La directrice prospective et nouveaux concepts du Groupe Danone annonce, je cite : « Danone s’est dotée d’une mission : rendre le monde plus ouvert, curieux et tolérant… Je me suis réveillée un matin en entendant des choses épouvantables sur les migrants, et ce repli sur soi que j’ai ressenti m’a affecté… J’ai alors eu l’idée d’une gamme de produits laitiers du monde, où le yaourt serait vecteur de partage, de discussions et d’échanges. »

Dadone du monde 2018

Quel rapport avec le lancement d’une marque ethnique ? Où sont les volontés de naturalité, de bon, de bio ? Quelle est la mission de la marque ?

En 2018, la marque doit aller au-delà de son offre pour installer une mission, un engagement auprès d’un consommateur exigeant. Mais que viennent faire les migrants, l’ouverture, la tolérance, le partage avec ce lancement ?

Aux Etats-Unis, des marques s’engagent vraiment sur des causes sociétales et même politiques : Starbucks a conçu la plateforme d’emploi « 100,000 Opportunities Initiative », Pepsico a soutenu les soldats de retours d’Irak, Ben & Jerry’s et Patagonia mènent le combat de la planète, les campagnes de Nike « Equality » et d’Airbnb « We Accept » ont attaqué frontalement le président américain, en prônant des messages de tolérance et d’ouverture. Air Canada a quant à elle lancé un spot réunissant une famille syrienne déchirée par la guerre. Plus subtilement, Budweiser, marque profondément ancrée dans la psyché des américains sort « Born The Hard Way », dans laquelle Adolphus Busch rencontre finalement Eberhard Anheuser, un autre immigrant allemand, et ensemble ils créent Budweiser.

Oui, madame Thevenet-Abitbol, Danone pourrait être la première marque française à s’impliquer dans un combat de marque sociétal fort. Mais ce n’est pas votre axe, vous avez votre combat, c’est « Le bon ». C’est un choix respectable. Peut-être que les français ne sont pas prêts ou ne veulent pas donner de telles prérogatives aux marques.

Alors pourquoi associer votre soudaine prise de conscience matinale sur les migrants au lancement d’une gamme de yaourt ? Pourquoi lier la souffrance de personnes qui ont risqué leur vie à la recherche d’un eldorado virtuel aux Danone du Monde si votre discours est « Découvrez ce que le monde a de bon » ? Un hommage à Isaac Carasso et sa découverte des yaourts bulgares aurait eu plus de sens.

Croyant « bien faire », les marques ne courent-elles pas un risque toujours plus grand de discrédit ? Le signe fort pourrait effectivement devenir « faible », privé de sa garantie transactionnelle et associé à un bénéfice émotionnel négatif.

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